De Patrimonio à Figari, les vendanges ont débuté la semaine dernière dans un climat serein en dépit des caprices de la météo. "Le grain est beau et sain. L'année s'annonce sous de bons auspices", se félicite Xavier Poli, à la tête du Domaine de Piana, soixante hectares entre mer et montagne près d'Aléria, sur la côte orientale.
Ce jeune viticulteur est l'un des symboles du renouveau de la vigne insulaire. "Si on ne fait pas d'erreur, elle a un bel avenir devant elle", assure ce fils de vigneron, revenu dans l'île "pour innover et réussir" après des études de commerce "sur le continent".
Son optimisme est partagé par de nombreux oenologues et guides spécialisés. "L'image de notre vin a nettement changé. Le cercle des amateurs, restreint il y a cinq ou six ans, s'élargit d'année en année", constate Bernard Sonnet, directeur du comité intersyndical des vins de Corse.
Tant et si bien que l'offre n'arrive plus à suivre la demande pour les vins des neuf appellations d'origine contrôlée (AOC) de l'île. La production est toutefois limitée puisque que seuls 100.000 hectolitres d'AOC sont produits par une soixantaine de caves particulières et six coopératives. A cela, s'ajoutent 200.000 hl de vins de pays et 100.000 hl de vins de table.
Avec ses 7.000 hectares, le vignoble corse est quatre fois moins étendu que dans les années 60-70, lorsqu'il produisait près de deux millions d'hectolitres, souvent de piètre qualité. L'époque était au productivisme et à la mécanisation, sous l'influence notamment de viticulteurs rapatriés d'Algérie.
A la fin des années 70, ce modèle s'écroule avec la surproduction. En Corse, le choc est d'autant plus fort que la crise a pris une dimension politique à la suite de l'occupation tragique de la cave d'Aléria qui marque, en 1975, la naissance de la revendication nationaliste armée.
Après quelques années de flottement, la profession s'organise, soutenue par les pouvoirs publics et l'Europe. "La transformation, qui s'est terminée il y a deux ans, a été beaucoup plus profonde en Corse que dans d'autres régions : plus de 20.000 hectares ont été arrachés et 90 % du vignoble restructuré", indique Bernard Sonnet.
"Le pari a alors été fait de privilégier les cépages traditionnels, qui étaient peu à peu tombés dans l'oubli", précise-t-il. C'est ainsi qu'ont été plantés des hectares de Niellucciu, Sciaccarellu, Barbarossa, Vermentinu, Biancu-Gentile, etc... autant de cépages adaptés à la grande diversité des sols de l'île.
"Grâce à ce choix stratégique, nous offrons des vins taniques et colorés, dont le caractère typé ressemble à celui de la Corse", souligne Xavier Poli. |